Le site de « La Bertha » à Semide
On peut
observer sur le territoire de Semide les vestiges d’un site ayant accueilli un
canon 38 cm (de type SKL/45). Ces fameux canons baptisés « Max »
furent mis au point par l’artillerie allemande pendant la première guerre
mondiale.
L’un des
canons fut installé et utilisé à Semide alors que les habitants du village ne
réalisèrent pas (cf. texte joint). Tentons de décrire brièvement l’histoire de
ces mythiques constructions.
1.
Des canons crées pour la marine
Entre les
années 1906 et 1914, une course aux armements navals se produit entre
l’Angleterre et l’Allemagne. L’enjeu est la maîtrise des mers historiquement
réservée aux insulaires. Au prix de gros efforts financiers, les Anglais
réussissent à conserver leur avance en construisant successivement des canons
de 30.5 cm, 34.3 cm et enfin 38.5 cm entre 1906 et 1913. Ils en équipent les
nouveaux cuirassés Dreadnought puis Queen-Elizabeth.
Les Allemands
ne se laissent pas pour autant distancer. Ils mettent au point des pièces de 28
puis 30.5 cm destinées à la marine allemande (le Reichmarineamt) entre 1906 et
1911. Cependant, en 1912, un ordre impérial ordonne la construction de canons
de plus grande portée ayant un diamètre de 38 cm. C’est la société Krupp qui en
construit le premier modèle SKL/45, essayé en 1914. Ce canon a pour vocation
d’être installé sur les 4 cuirassés mis en chantier en 1914 (baptisés Bayern,
Baden, Sachsen et Württemberg ) pour rivaliser avec les Queen Elizabeth
anglais. Ce type de canon doit tirer des projectiles de 750kg à la vitesse
initiale de 800 m/s jusqu’à une portée maximale de 20250 mètres.
2. Le parcours des canons Max au cours de la guerre 1914-1918
En 1914, la marine allemande met à disposition des
régiments terrestres deux canons de 38 cm pour bombarder Paris et Anvers. Le
but premier de ce bombardement est de démoraliser l’arrière en l’exposant au
feu de canons « invisibles ».
Cependant, la victoire des Français sur la Marne et la prise rapide de
la Belgique obligent les troupes allemandes à changer de stratégie. En automne
1914, les Allemands décident d’installer les canons au Nord de Verdun. Les deux
bouches à feu reposent sur des affûts de type Anschiess Gerüst permettant un
angle vertical de 24°. Comme les affûts sont ancrés sur des constructions en
béton inclinées de 5°, l’angle de tir des premiers canons est de 29°. Cela
permet une portée d’environ 27 km.
En octobre
1914, des affûts d’un autre type (Bettung Gerüst c’est à dire canon sur plate
forme) sont commandés. En offrant un pointage vertical de 45°, ils permettent
une portée d’environ 38 km et donc supérieure à celles des anciens affûts. Six
autres canons sont prêtés par la marine allemande pour reposer sur ces pièces.
Huit emplacements sont alors choisis pour servir de points d’installations
entre 1915 et 1916. Parmi eux, on trouve Semide, mais également Kattestraat
(Belgique), Coucy-le-Château (Aisne), Saint-Hilaire-le-Petit (Marne), Spincourt
(Meuse), Santes (Meuse), Hampont (Moselle) et Zillisheim (Haut-Rhin).
Les premiers tirs
de ces canons « Max » ne sont pas remarqués car ils sont couplés à
des tirs de pièces traditionnelles de 42 cm plus proches de la cible. Mais
ensuite, les progrès de l’observation aérienne alliée permettent de localiser
les tirs.
En 1916, des
plates formes métalliques sont construites et permettent de remplacer les cuves
à béton servant auparavant à supporter les affûts. Plus rapides à réaliser,
elles sont aussi démontables. De nouveau affûts sont également construits et
permettent un tir à 55°. Les nouvelles munitions Max utilisées peuvent être
envoyées à la distance maximale de 55 km.
A partir de
janvier 1918, ces pièces sont utilisées sur voie ferrée. La portée en est plus
limitée (d’environ 22 km), mais leur emploi discret et mobile rend plus difficile
les attaques de l’aviation alliée.
3. Les unités servants les canons « Max »
Les pièces de 38 cm étant des pièces de marine, ce
sont les régiments de marine qui les arment. Ces derniers sont regroupés en
Sonder Kommandos et commandés par des officiers de la Marine Impériale.
4. Les vestiges de ces constructions
Il reste malheureusement
peu de souvenirs des canons « Max » si redoutés pendant la première
guerre mondiale. Le seul reste des pièces d’artillerie est une couronne de
bouche du canon de Chuignes découpée en 1918. Cependant, il faut se rendre en
Australie pour la voir exposée dans un musée militaire australien.
Les emplacements
bétonnés ayant supporté les canons sont plus accessibles. Celui de Semide est
encore très intéressant à observer tout comme ceux de Coucy, Warphemont,
Hampont et Zillisheim qui se trouvent sur des terrains publics.
5.
L’emplacement de Semide
Comme vous pouvez le
lire plus haut, le site de Semide a été construit entre 1915 et 1916 pour
accueillir un affût du type Bettung Gerüst supportant un canon 38cm de type
SKL/45 (ou canon « Max »). Il s’agit d’une cuve en béton permettant
une rotation horizontale de 180°. Le canon y a été installé entre mai 1916 et
mars 1917 et a tiré 25 fois. L’objectif était Sainte-Menehould et Saint-Hilaire-au-Temple
(dans la Marne). Les principaux tirs ont débuté le 10 novembre 1916. Le
régiment occupant les lieux était le Kommando de Marine AOK 3 Schulte 2.
6.
Souvenirs de personnes présentes à cette époque
Le front est proche : au nord du département de la Marne.
Dans le courant de l'année, les Allemands construisent une voie ferrée qui
traverse le village en direction du lieu-dit " les valettes " et se prolonge
dans les bois.
C'est alors qu'un matin, les habitants virent passer sur deux wagons, une
pièce d'artillerie de marine (380) la place de son installation était demeurée
secrète.
Puis un jour du début de cette année 1917, l'armée allemande recouvre la
vallée d'un épais brouillard artificiel et la pièce tire 17 obus au rythme
d'un toutes les 7 minutes … Ce fût tout.
Quelques jours plus tard, la pièce repassait sur la voie ferrée.
On s'accorde à dire que l'objectif des tirs était Châlons sur Marne mais
les obus seraient tombés entre la Chaussée Romaine et Châlons.
Quand à la pièce : était-elle devenue inutilisable ? C'est également possible.
De ces faits, il est resté, pour les habitants de Semide ce lieu bétonné,
signalé sur les cartes routières comme " emplacement de grosse pièce allemande
" à proximité des Monts Chery.
D’après un article du colonel Guy FRANCOIS publié dans « la revue historique de l’armée ».
Merci à Jean-Eric ZOBRIST pour nous avoir envoyé les documents
originaux.
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